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Les mutuelles de santé face aux enjeux de Solvabilité II

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Face aux exigences et aux contraintes posées par la réforme Solvabilité II, les sujets d'inquiétude sur l'avenir restent nombreux pour les Mutuelles de santé : refonte de leur modèle de gouvernance, assujettissement à l'impôt et recherches de synergies, voire de regroupements entre acteurs sont autant de phases clés du processus de transformation induit par la nouvelle réglementation.
Afin de bien cerner tous les enjeux et les nouvelles opportunités de la réforme, le Club de l'économie sociale a organisé un déjeuner d'information, le 18 mai dernier. Animé par Jacques Taquet, avocat associé de Landwellglobal et Jimmy Zou, associé de PricewaterhouseCoopers, le débat a permis de faire le point sur les deux prochaines échéances de 2011 et 2013

Avant même son entrée en vigueur, la directive Solvabilité II produit déjà ses premiers effets. Dans le secteur des mutuelles de santé notamment, où la nouvelle réglementation a provoqué une première vague de rapprochements entre acteurs. A commencer par les mutuelles de la fonction publique (MGEN, MNT, MNH, MGET, MAE) qui ont annoncé la création, en 2011, d'une UMG. Dans leur sillage, Mornay et la MG s'orientent vers une union concrète en 2011, tandis que Harmonie Mutualité, Prevadies et Mutuelle Existence vont plus loin, jusqu'à la fusion, prévue à l'horizon 2012.

Autant de mariages de raison scellés, certes, sous la pression de Solvabilité II [1], mais qui traduisent une ambition claire de la part des mutualistes de santé : se donner tous les moyens de rivaliser avec le secteur capitaliste dans le futur contexte d'accroissement de la concurrence.

Et les grandes manœuvres sont loin d'être terminées si l'on tient compte, par exemple, de la relance du projet de statut de « mutuelle européenne » que le tout récent rapport du député Francis Vercamer vient de replacer au centre des débats. Car si le statut de mutuelle européenne devait voir le jour, il pourrait, entre autres choses, favoriser les rapprochements transfrontaliers.

De gauche à droite, Jimmy Zou de PWC, Catherine Van Rompu (directrice Economie Sociale du Réseau Caisse d'Epargne), Guillaume Legault (le nouveau directeur délégué du CEGES) et Jacques Taquet de Landwellglobal.

Pour Jacques Taquet, cette tendance au regroupement n'a rien de surprenant puisque de grands acteurs du secteur capitaliste, à l'instar d'Axa, sont déjà présents dans le domaine de la santé et que, « dans leur recherche de configurations compatibles avec Solvabilité II, les mutuelles de santé doivent prendre en compte toutes les opportunités de coopération mises en place par le législateur », a-t-il indiqué.

Outre la fusion qui est la solution la plus radicale, d'autres accords de coopération / gouvernance qui vont de la simple coordination technique à la solidarité financière ont été aménagés par le Code des assurances et le Code de la Sécurité sociale.

La panoplie est d'ailleurs plutôt diversifiée : l'UGM (Union de groupe mutualiste), assise sur la simple coordination du développement mais sans solidarité financière et l'UMG (Union mutualiste de groupe) qui repose sur des liens de solidarité financière importants et durables. Toutes deux offrent la possibilité d'inclure des non mutualistes (Institutions de Prévoyance et Sociétés d'Assurance Mutuelles qui sont régiées par le code des assurances) sachant que dans l'UMG, les mutualistes doivent être majoritaires.

Autres formations possibles, les SGAM (Société de groupe d'assurance mutuelle). Ouvertes à tout type d'acteur, elles sont fondées sur des liens de solidarité financière importants et durables. Enfin, les GPP (groupement paritaire de prévoyance) qui reposent sur la mise en commun de la stratégie, de la gestion et des tarifs, mais sans solidarité financière.

Mesurer toutes les incidences

Mais pour tirer le meilleur parti de la réforme, tout l'enjeu consistera à bien identifier la configuration la plus pertinente. Un point important sur lequel Jacques Taquet a longuement insisté, la nécessité d'évaluer attentivement l'incidence de chacune de ces formes de coopération : « La mise en place de ces outils est complexe et leur impact sur la gouvernance de l'entreprise sera différent en termes de besoins de solvabilité, d'obligation de présenter des comptes combinés, d'obligation de soumettre l'accord aux autorités de concurrence ou encore, parce que, pour certaines, il sera possible de créer une intégration fiscale ».

Autant d'options qui doivent tenir compte de la nouvelle réglementation fiscale des mutuelles voulue par Bruxelles, qui entrera en vigueur en 2011. Un sujet qui, comme l'a expliqué Jimmy Zou, renvoie à celui des comptabilités informatisées, c'est à dire à l'impact technique de la mutation fiscale. Un point important, à ne surtout pas négliger, car il suppose la mise en place d'outils de gestion informatisée devant faciliter le contrôle fiscal, et pas seulement.

« Du fait de leur petite taille et de la complexité de leur gouvernance, les mutuelles de santé sont particulièrement concernées par les effets de la réforme », a indiqué Jimmy Zou rappelant que les nouvelles règles de solvabilité, de fiscalité, de gouvernance et de transparence des comptes auront des répercussions non négligeables à tous les étages : sur la tarification des produits, sur la rentabilité de certaines gammes et ce, indépendamment de leur utilité sociale, enfin, sur le rôle social des entreprises.

Leur gouvernance doit intégrer un nouveau référentiel pour la gestion des risques et de préférence, un référentiel commun, structuré autour de quatre fonctions essentielles : la « gouvernance » dont le rôle est de définir la culture du risque, l'appétit et la tolérance au risque ; la « gestion des risques » qui doit permettre l'évaluation du risque et la réponse au risque ; le « contrôle interne » , très important, qui définit les politiques et process de suivi du risque ; enfin, « l'audit interne » qui doit assurer à la fois une communication des règles à tous les niveaux, à la fois le contrôle de l'efficacité de la gestion des risques.

Pour Jimmy Zou, ce point est d'extrême importance. « Il s'agit, pour les mutuelles de santé, de faire la preuve de leur capacité à suivre leurs risques de façon centralisée et de s'assurer de la compréhension et de l'application des procédures à tous les niveaux de l'entreprise. Bref, c'est de la capacité des mutuelles à réussir ces mutations profondes, tant sur le plan technique que sur le plan de la culture d'entreprise, que dépendra, en partie, l'avenir du secteur.

Nathalie Carmeni


[1] Solvabilité II est une réforme réglementaire européenne du monde de l'assurance. Dans la lignée de Bäle II, qui exigeait un renforcement des fonds propres destiné officiellement à une meilleure appréhension des risques bancaires et notamment de crédit (on sait depuis Marx que la capitalisme, par delà le principe de libre concurrence, conduit naturellement à des processus de concentration et de constitution à terme de monopoles, l'objectif de Solvabilité II est de mieux adapter les fonds propres (c'est-à-dire ce que l'entreprise possède – bâtiments, machines, biens matériels et immatériels, trésorerie, réserves… moins ce qu'elle doit – ses dettes – on les désigne aussi sous l'expression « haut de bilan » car ils sont repris dans les premières lignes du bilan comptable d'une entreprise) qui sont exigés des compagnies d'assurances et de réassurance du fait des risques qu'elles encourent dans le cadre de leur activité. Formulé plus simplement Solvabilité II impose encore plus de concentration aux mutuelles d'assurance et de santé.
Ce phénomène de concentration a bien évidemment des incidences sur le mode de fonctionnement démocratique des mutuelles. Les administrateurs sont élus par les adhérents suivant le principe « une personne, une voix ». Dans les très grosses mutuelles, comme cette élection ne peut plus se faire en assemblée générale, cela a pour effet d'éloigner l'administrateur de l'adhérent. Autrefois les petites mutuelles disposaient d'un administrateur pour dix adhérents, aujourd'hui les plus grosses mutuelles en sont à un pour dix mille et cela va aller en s'aggravant.
Par ailleurs l'obligation de constituer des réserves importantes qui est imposée aux mutuelles par la mise aux normes européennes, conduit certaines mutuelles à majorer leurs cotisations pour réaliser des excédents de fonctionnement qui s'éloignent de plus en plus des principes mutualistes des origines.
Et le désengagement de la Sécurité Sociale contribue à aggraver ce phénomène en amenant les mutuelles à développer tout un système complexe de forfaits et d'options qui fait que sur certaines types de dépenses (frais optiques, dentaires, sur certaines types de dépenses (frais optiques, dentaires, d'hospitalisation…), la couverture complémentaire n'est plus la même pour tous les adhérents. Si les principes généraux sont toujours respectés, les menaces de pertes de sens et de valeurs sont réelles.
(Voir à ce sujet le livre « Nord – Pas-de-Calais – la longue marche de l'économie sociale et solidaire – pages 72 à 76).

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