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« Docteur, nous sommes allés aux urgences..  »

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« Docteur, nous sommes allés aux urgences.. »

Que faut il faire désormais pour dissuader les gens d'aller aux urgences pour n'importe quoi, n'importe quand, n'importe comment, pour le plus souvent aucune espèce de résultat médical tangible, sans qu'aucun examen ne soit donné dans les mains des familles, voire avec la délivrance d'ordonnances surréalistes ?
On se le demande de bonne foi.

Car le phénomène gagne, et au-delà des « facilités sociales usuelles » propres à la société française, toutes les couches de la société s'y précipitent allègrement pour RIEN le plus souvent, et pour un résultat NUL de manière quasi constante.
On a beau programmer le plus possible un petit malade auprès de ses parents, théoriquement évolués au plan social, " vous surveillez ceci ou cela ", rien n'y fait, sitôt parti, pourvu que l'enfant ait un hoquet, une petite nausée, un petit fébricule qui tarde à tomber : "on va aux urgences".

Il semble que le malade, l'enfant ne peut pas avoir un symptôme quelconque seul, et pour la famille il n'est pas question de prendre en charge et de gérer cela en propre trés normalement...
Psychopathologie de la société française dà »ment infantilisée ?

Les familles, bien souvent impatientes, sont prêtes à attendre ensuite entre 3 et 6 h une consultation complètement aléatoire, pour ce qui est de la moyenne, assis sur une chaise inconfortable dans le meilleur des cas, pour le résultat nul que l'on sait.
Ce qui ne gène semble t-il, dans l'absolu, personne…

Parmi la liste des dossiers "prioritaires" pour le futur gouvernement, les Services d'Admission des Urgences ( SAU ) en sont un à tous points de vue.

Car cela déborde dans des proportions qui deviennent insupportables : chaque semaine voit x familles se précipiter ainsi dans les services locaux.

D'aprés la cour des comptes ( toujours un peu décalée et en retard sur les réalités terrestres ) un passage au Service d'Accueil des Urgences coà »te 203 euros à la collectivité avec les examens paramédicaux contre 48 chez le médecin libéral. Tout cela est largement sous évalué.

Ce qui pour 14 millions de passages au services d'accueil des Urgences par an, ramènerait l'ardoise pour la société à 2,842 milliards d'euros.


Si on prend les textes véritables qui régissent les subventions accordées par l'assurance maladie à ces structures « d'urgences », on aboutit à d'autres chiffrages qui permettent de mieux situer le niveau d'arrosage financier de ces services.

Il s'agit là d'estimations puisque bien sur nous ne pouvons jamais obtenir les "vrais" chiffres, pourtant théoriquement libres d'accès et publics.


14 millions de "venues" aux SAU par an.
Soyons généreux et partons du principe, de réflexion, que seules 10 millions de ces "venues" ne font que passer dans ces services.
A 25 euros par malade qui passe nous avons déjà 250 millions d'euros qui tombent sur tous les SAU de l'hexagone.
Mettons qu'il y ait 700 SAU en france ( il y en a un peu moins mais pour la commodité .. ).
Chaque SAU meme aussi petit soit il se targue, bien évidemment quand même, de faire ses 5000 premières "venues" qui lui permet de toucher 505 710 euros.
700 x 505 710 = 353,99 millions d'euros.

Il reste donc 700 x 5000 "venues" = 3,5 millions de "venues" sur 10 millions.
Restent 6,5 millions de "venues" qui ouvrent la porte aux autres subventions suivantes à 184 182 euros par 2500 "venues"....
6,5 millions / 2500 = 2600 X 184 182 euros = 478,87 millions d'euros

Ce qui nous fait un total de 1,082 milliards d'euros qui tombe dans l'escarcelle des hôpitaux dés le 1er janvier sur la base des statistiques de l'année précédente, sans compter les examens para médicaux, qui sont un bénéfice en plus pour les hôpitaux ( actes de petite chirurgie, radiologie et biologie ) qui doivent au moins doubler cette ardoise.
Et on ne compte pas non plus les actes des sorties primaires des smur et samu qui se chiffrent à une bonne somme supplémentaire ( 300 millions d'euros ) et qui sont toujours inadaptés 2 fois sur 3, mais cependant toujours réglés au tarif maximum, quel que soit le contenu de l'acte, du dérisoire au réel…

A rapprocher des 90 millions d'euros accordés ( et bientôt amputés des 2/3 ) au monde libéral pour faire joli avec sa Permanence des Soins.

Faisons mémoire que toutes ces sommes, de responsabilité hospitalière totale, se retrouvent de façon fort commode dans l'enveloppe budgétaire des soins de ville, dont les responsables sont les médecins libéraux : pourquoi dés lors se gêner ?

Les personnels des Services d'Accueil des Urgences sont jeunes, le plus souvent débutants dans leur vie professionnelle, sans formation spécifique à une écrasante majorité, ils ont donc effectivement une vue sur les malades complètement partielle, schématique. Et on traite ici le plus souvent le symptôme.
Il n'est donc pas étonnant dans ces conditions particulières de la médecine de noter qu'aucun des personnels médicaux des Services d'Accueil des Urgences ne se préoccupe le moins du monde de la transmission des données cliniques et des résultats vers le médecin traitant du malade !

L'éducation des foules dans ce domaine précis, où tout le monde en rajoute dans la connotation morale, pour des motifs très variés ( les malades pour excuser tous leurs débordements, et les responsables hospitaliers pour en demander toujours davantage et expliquer les dérives « qu'ils ne peuvent refuser  » au titre du devoir moral ), est impossible.
C'est même une véritable hypocrisie, une réelle défausse. Il ne faut pas se bercer de mots.
L'éducation des foules ne peut se concevoir que si elle est adossée à un dispositif clair et précis, assorti à une volonté sans faille.

Mais il y a des difficultés structurelles bien franco-françaises qu'il convient de ne pas éluder.
L'hopital public ne l'oublions pas touche 25 euros pour chaque « venue  » aux urgences, plus tous les examens paramédicaux, perdus chaque fois à jamais pour le malade, mais qui ne sont pas perdus pour tout le monde puisque cela fait tourner la boutique hospitalière ( actes en K qui dépassent parfois, cela s'est vu, le nombre de K du service de chirurgie, actes de biologie qui représentent un pourcentage confortable du laboratoire, et de même pour les actes de radiologie ).
Si on y ajoute les subventions pures, assises sur le nombre de « venues  » dans les Services d'Accueil des Urgences nous nous trouvons confrontés à des mécanismes complètement pervertis vers une inflation organisée et une surconsommation permanente.

Qui arrange tout le monde.
L'hopital public ne peut pas renoncer facilement à ce vaste budget additionnel, qui présente les multiples avantages d'etre considérable à tout l'hexagone ( les sommes sont assez pharaoniques ), d'etre masqué ( qui le sait même dans le milieu médical ? ), et d'etre verrouillé semble t-il par sa finalité morale.
Les corporatismes des urgentistes de tout poil et du SNAMU faisant le reste car ils ne renonceront pas facilement à cette dimension génératrice de prébendes variées.
Reste la réalité au quotidien du Service d'Accueil des Urgences.

Scène de la vie ordinaire d'un service d'urgence sur une anecdote récente.

Une malade habite pas trés loin de chez moi et porte une stomie de dérivation depuis 2 mois.
Elle m'appelle, il est 22 h, car il y a du sang dans sa poche de colostomie...
Je vais la voir et effectivement il y a du sang bien frais.
On change la poche pour avoir une idée du débit, puis je contrôle ses paramètres qui sont bons et non altérés, pas de douleurs.
La nouvelle poche se remplit gentiment à nouveau de sang frais.
Bien sur j'explique à ma malade qu'il est hors de question de la laisser là chez elle, seule pour la nuit, d'où hospitalisation de surveillance et de diagnostic.

Je téléphone à l'ambulancier local qui me renvoie sur le centre 15 puisque je l'avais oublié il y a le système de gardes ambulancières la nuit...
Système de garde ambulancière dont il convient de se faire mémoire face aux petits délires gentils des organisateurs médicaux en tout genre « rendus fous » par la permanence des soins.
Il y a donc une ambulance de garde par territoire de canton ( c'est fou ce que cela peut etre grand un canton la nuit ! ).
Pour ce qui est de mon cas hier c'était Blangy à 35 km de criel.
Une seule ambulance le plus souvent donc trés occupée puisqu'elle peut etre en déplacement déjà sur Rouen à 85 km de distance.
Cela peut donner facilement 3 h d'attente....

Pourquoi ambulance ?
Parce que passées 20 h il n'y a plus que des ambulances allongées en urgence, terme magique pour l'ambulancier moyen qui est là - automatiquement - à sa facturation maximale.
Le lobby des ambulanciers a encore frappé.
Notons que s'il y avait la possibilité de VSL la disponibilité pour x malades serait grandement améliorée.
Mais qui se soucie encore des malades, de leurs fatigues et de leurs besoins en ce dossier à part un médecins d'expérience, « excité » , je vous le demande ?

Le centre 15....

Je tombe sur une permanenciere, je me présente, présente le cas, là elle me dit : "l'âge de la malade ?"
"je n'en sais rien !" "l'âge de la malade ? " ( ?!... ) "écoutez on peut passer à la question suivante, non ?"
"mais l'âge.. ?" "écoutez l'âge de la malade est sans importance.." "oh mais vous êtes grossier, je fais mon métier" "faites le d'une autre façon et dites moi la disponibilité d'un transport" ( silence de plomb durant 8 minutes durant lesquelles la créature a du faire écouter notre enregistrement à qui de droit..) " Puis apparaît « la voix d'Orly  » ou de crooner : "je suis le médecin régulateur"
Reexposition des faits, et demande de disponibilité ambulancière.. _ Euh...là cela cale..
"je vais vous envoyer les pompiers"
Refus poli de ma part : "bon laissez tomber je vais l'amener moi meme" ( silence stupéfait au bout de la ligne ).

J'amène ma malade aux urgences de Dieppe en 10 minutes. Là on se trouve face au schéma classique.... 3 vieillards avec des perfusions sur des brancards dans le couloir du fond, une jeune femme en sortie de cuite sur un autre, 3 nourrissons visiblement avec des fièvres de cheval et qui hurlent, et nous.

Personne ne s'occupe de personne.

On passe pourtant beaucoup pour ce qui est des filles de salles, des quelques bonhommes immaculés dans la tenue de travail qui fait fureur dans les smurs, avec ceinturons mettant en valeur la taille plus ou moins fine, etc, passent et repassent... Une infirmière toujours avec des dossiers à la main travaille au bureau, à faire de l'air avec ses papiers..
Une pauvre jeune femme PH ou interne est là à qui j'ai expliqué les données du problème et qui bien sur me regarde avec des yeux un peu plus ronds que la normale..
Un médecin qui amène sa malade ! où va t-on ?

Toujours personne qui ne s'occupe de personne depuis 1h30, personne ne se penche sur une perfusion des vieillards qui est largement finie, sur les enfants qui n'en peuvent plus, et les familles sont comme des veaux. La famille de la malade arrive, et prend mon relais ( je n'allais pas laisser seule cette pauvre femme dans cette antre de dingues ! ).
Avant de partir ( il est 23h30 ) je m'approche de l'interne et lui demande - poliment - ce qu'elle compte faire ?
"On va lui faire une prise de sang pour voir si il y a une anémie et puis on verra demain" ( ..... ! )

Pure malfaisance de ma part je lui dis :
"Je puis vous faire cette prise de sang pour aller plus vite avant de partir car nous sommes là depuis plus d'une heure, quand meme"
Regard noyé de la jeune médecin...
Ce matin la malade est chez elle, revenue à 04 h du matin...
On lui a fait la dite prise de sang à 03 h soit 4 h aprés mon départ et 5 h aprés notre arrivée !
Le sang s'est tari, petit problème sur la marge de la stomie.

Pas mal, non ?

Et ce n'était pas la foule des grands jours, juste un soir trés ordinaire pour un samedi.

En amenant ma malade je suis passé devant la MMG de dieppe, l'ancienne morgue petit bâtiment trés minable dans l'enceinte de l'hopital, il y avait une petite lumière à l'intérieur, un vrai fanal, triste à mourir, qui résume bien tout cela...
Oh, à propos l'âge de ma malade est 78 ans, bien sur....

( Est ce que cela a une quelconque importance de bloquer sur une chaise, durant 6 h une personne âgée, malade, inquiète et fatiguée, pour une simple prise de sang, sans controles aucuns des autres paramètres ? )

Quand j'ai amené ma malade l'autre nuit, si j'était devenu soudain chef du SAU par miracle, en moins d'une heure j'aurais vidé le service et fait le travail en question.
Ce n'est pas de la forfanterie mais un simple constat nourri de ma lourde expérience.
Les déclinaisons sur le mot urgences je connais et j'ai un poids spécifique élevé en la matière.

Il faut pour éteindre ces délires vers les Services d'accueil des Urgences des choses simples et non spéculatives. C'est l'offre qui crée la demande comme toujours. Et la gratuité ou assimilée qui l'entretient.

Peut on croire une seule minute que la baisse générale des actes des médecins généralistes de ces dernières années soit due à autre chose que la perte de quelques euros de remboursements de ci, de là sur les actes, avec à la clef une ambiance de coercition vaguement menaçante ?

Croyez vous que tous les gens qui pour un oui ou un non arrivent au Service d'Accueil des Urgences avec leurs enfants, pour lesquels ils ne veulent plus gérer seuls ( c'est cela non ? ! ), une fièvre, un hoquet, un vomissement ou toute autre histoire tout à fait insigne, se déplaceront encore dés lors qu'il y aura un obstacle même minime, sur les frais à avancer, et un non remboursement simplement de menace ( en cas d'inadaptation de la demande ? ).
Tout cela s'éteindrait en quelques semaines.
Exactement comme pour la profusion des actes que nous faisions lors de nos vieilles gardes ordinales, ou plus simplement pour nos visites et qui ont tous disparu.
Plus d'offre : plus de demandes.

Reste à trouver et à proposer une solution, et ce doit etre aux médecins généralistes de la proposer, car cela les concernent au premier chef, médicalement parlant face à la redondance libérale quasi obligatoire des examens faits et perdus dans les Services d'accueil des Urgences, car chaque médecin généraliste, que ces messieurs le veuille ou non est le vrai gestionnaire à son niveau de l'assurance maladie, et que nous devons à ce titre avoir notre mot à dire..

Toutes les fadaises complètement bidons sur le réseau ville hôpital de ces dernières années passent par la mise à plat de ce dossier. Sinon à quoi bon ?

Il faut une somme forfaitaire à régler sous toute forme que ce soit, et éventuellement non remboursable.
N'oublions pas là encore comme difficulté supplémentaire le décret de _ Monsieur Balladur autorisant les Services d'Accueil des Urgences à faire des actes de médecine générale.

La volonté Politique doit donc etre bien présente.
Je ne vois pas pour l'instant la pépite qui osera poser ce dossier sur la table…

Docteur Jean-Marie Gendarme

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