Mutuelle en ligne | Mutuelle santé | Systèmes de santé | LES POLITIQUES ET LA SANTE

LES POLITIQUES ET LA SANTE

Taille de la police: Decrease font Enlarge font

LES POLITIQUES ET LA SANTE

Par Elie Arié

Tous les sondages d'opinion placent, depuis toujours, la santé en tête des préoccupations majeures des Français, avant même le chômage, l'insécurité, ou la paix dans le monde ; et il s'agit là d'un phénomène certainement antérieur à l'invention des sondages, comme en témoignent les dictons populaires remontant à la nuit des temps (« L'essentiel, c'est la santé », « Tant qu'on a la santé », etc.). Il n'en est que plus frappant de constater à quel point la santé embarrasse le monde politique, qui l'a toujours esquivée, limitée à son seul aspect d'équilibre des comptes de l' Assurance-Maladie (équilibre indispensable à sa survie, mais qui ne garantit en rien sa qualité, unique préoccupation des citoyens), traitée sur le mode mineur (le plus souvent un secrétariat d' Etat dépendant du Ministère des Affaires Sociales), dépolitisée en la confiant à des médecins comme s'il ne s'agissait que d'une question technique, voire carrément refoulée : on se souvient que Michèle Barzach est devenue Ministre de la Santé en 1986 après que Jacques Chirac se fût aperçu qu'il avait oublié ce poste dans la constitution de son gouvernement, et qu'aujourd'hui encore, le Mouvement Républicain et Citoyen, lancé dans une entreprise censée le renforcer, a commencé par supprimer, dans son Secrétariat National, le poste attribué à la Santé... Il faut donc tenter de comprendre les raisons de cette extraordinaire discordance, qui contribue largement au sentiment de discrédit qui frappe, dans notre société, le monde politique, accusé d'être « loin des préoccupations réelles des gens ». Mon hypothèse est que l'irrationalité des politiques de santé publique n'est que le reflet électoraliste de l'irrationalité des peurs et des demandes de l'opinion publique en matière de santé, cette dernière étant le produit d'une aliénation croissante des citoyens face à des problèmes dont ils ne maîtrisent plus la complexité ; je tenterai de l'illustrer par deux exemples simples, empruntés au professeur Jean de Kervasdoué (1) . L'eau « La consommation de nitrates est inoffensive chez l'homme sans limites de dose » (2) . Or, « administrativement »,l'eau est jugée polluée si la quantité de nitrates qu'on ingère lorsqu'on en boit un litre est égale à celle qu'on ingère...en mangeant 25 grammes de laitue. Et j'ai toujours le cœur serré quand je vois, dans des grandes surfaces, des gens aux revenus modestes acheter « pour leur santé » des bouteilles d'eau plate à un prix 100 fois supérieur à celle de l'eau du robinet...qui est celle qu'utilisent, dans la confection des biberons pour nourrissons, tous les services hospitaliers de pédiatrie, parce qu'ils savent que c'est celle qui offre les meilleures garanties de sécurité bactériologique. La dioxine Ce sous-produit de toutes les combustions en présence de chlore ( notamment de celles qui permettent la fabrication des bouteilles d'eau minérale...) n'est toxique qu'à des doses infiniment plus élevées que celles des tolérances administratives : cela n'a pas empêche Dominique Voynet, à l'époque Ministre de l' Environnement, d'attaquer Jean-Pierre Chevènement, Maire de Belfort, parce qu'il tolérait dans sa ville une « pollution à la dioxine » d'après les normes qu'elle avait elle-même fabriquées sans aucune base scientifique.

Faut-il en déduire que nous autres, citoyens Français, sommes devenus « bêtes » ? Non, bien sûr ; mais nous sommes devenus aliénés ; nous n'avons pas peur des risques graves que nous nous jugeons, à tort ou à raison, capables de maîtriser nous-mêmes : notre façon de conduire, notre capacité à cesser de fumer ou à réduire notre consommation d'alcool, etc. ; mais nous privilégions, dans nos terreurs, les facteurs de risque, fussent-ils bien moindres, face auxquels nous nous sentons désarmés parce qu'insuffisamment compétents pour avoir un avis : ce qu'il y a dans notre assiette et dont nous ignorons de plus en plus l'origine et la composition, les centrales nucléaires, les OGM, les transfusions sanguines, voire les vaccinations... Et l'électoralisme politique ne fait qu'accompagner ces terreurs irrationnelles, au gré des modes du jour. Dans ce domaine, la palme de la démagogie doit sans doute être décernée aux Verts, parti politique dont l'alliance électorale pose un sérieux problème identitaire à la gauche, si elle souhaite conserver son caractère « progressiste » qui l'avait autrefois définie. À cette aliénation face à la complexité croissante du monde, s'ajoute un deuxième facteur, lui, éternel : ce qui définit la « santé » et la « maladie » est, en partie, ce qu'une société considère comme tels, et qui peut varier selon les lieux et les époques, en dehors de tout critère scientifique. On se souvient de ce médecin colonial français qui avait entrepris de soigner une population africaine frappée, en presque totalité, d'une maladie parasitaire entraînant, chez ceux qui en sont atteints, un éléphantiasis (énorme grossissement des jambes) ; il avait vite arrêté en constatant que les jeunes filles guéries, ayant retrouvé des jambes normales, ne trouvaient plus à se marier : la maladie était devenue la norme sociale. On pourrait trouver beaucoup d'équivalents dans notre société, où, par exemple, les signes du vieillissement normal sont devenus une « maladie » que la médecine s'emploie de plus en plus à « guérir ». Ainsi comprend-on pourquoi les hommes et femmes politiques, pour les moins courageux d'entre eux, adoptent, face à la santé, un comportement aussi irrationnel que la demande à laquelle leur électoralisme les amène à répondre ; et, pour les meilleurs, à prendre leurs distances face à un domaine dont ils sentent bien que toute décision efficace devra aller, dans un premier temps, à contre-courant de l'opinion publique ; et il est frappant de constater que, depuis la création (incluse) de l' Assurance-Maladie, toutes ses réformes de fond n'ont pu être réalisées que par la procédure autoritaire des ordonnances (3). Mais il nous semble que cette démission du politique constitue une double erreur.D'abord, parce que rien n'empêche l'électoralisme d'être ambitieux et intelligent ; on se souvient qu'en 1981, quelques heures avant sa première élection Présidentielle dont le résultat s'annonçait très serré, François Mitterrand avait confirmé qu'il abolirait la peine de mort, malgré l'hostilité de la plus grande partie de l'opinion publique, sans que cela ait entraîné sa défaite ; la loi de 1905 de séparation de l'Eglise et de l' Etat fut votée à l'encontre du sentiment d'un pays à l'époque majoritairement croyant et pratiquant ; plus récemment, alors que de nombreux gouvernements, par crainte d'impopularité, ont toujours reculé devant les mesures répressives nécessaires pour lutter contre la mortalité sur la route, Nicolas Sarkozy, en s'y attaquant, en a, au contraire, retiré une popularité accrue ; il n'en est que plus pitoyable de voir les Ministres successifs de la Santé ne pas oser soumettre les médicaments homéopathiques à la même réglementation que tous les autres, et afficher ainsi publiquement leur lâcheté, sans comprendre que cette mesure ne leur ferait pas perdre une seule voix , car aucun électeur ne s'est jamais déterminé en fonction d'un critère unique, a fortiori aussi futile. Mais surtout, parce que c'est l'honneur et le devoir de la politique de ne pas se soumettre au monde comme il va (4) , et ce n'est qu'ainsi qu'elle regagnera le respect des citoyens. (1) Jean de Kervasdoué : « Santé, pour une révolution sans réforme » Le Débat, Gallimard, 1999 (2) Professeur Marian Apfelbaum « Risques et Peurs alimentaires », Odile Jacob, 1998 (3) Nous ne considérons pas la dernière réforme de l' Assurance-Maladie de Philippe Douste-Blazy comme une vraie réforme, et nous pensons que le proche avenir ne tardera pas à le démontrer. (4)Ce n'est qu'ainsi qu'on peut expliquer le prestige dont jouit toujours Mendès-France, un demi-siècle après son éphémère passage de quelques mois au pouvoir.

Elie Arié est médecin et a été secrétaire national du MRC à la santé.


Comparateur mutuelle santé, prévoyance : devis gratuit et sans engagement

Comparer les tarifs, les garanties et les remboursements des meilleures mutuelles santé du marché et trouver la meilleure complémentaire santé adaptée à vos besoins et celle de votre famille.

Ajouter à: Add to your del.icio.us del.icio.us | Digg this story Digg
Notes
Pas de note pour cet article
Estimez cet article
0