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Nantes : une attaque à peine voilée contre les allocataires de l'API

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API et « burka » : une attaque à peine voilée contre toutes les précaires.

Comme dans toutes les bonnes séries télé, les scénarios gouvernementaux sont faits de telle manière qu'on sait toujours dès le premier épisode, que les choses ne sont pas ce qu'elles paraissent, mais c'est suffisamment bien foutu pour qu'on reste accrochés devant l'écran pour avoir la suite.

Ainsi, une énième affaire de « femme-en-burka-qui-menace-nos-libertés » fait brusquement la une des journaux la semaine dernière.

A ce rythme et vu le peu de femmes portant le voile intégral dans ce pays, de l'aveu même des Renseignements Généraux, chacune d'entre elles aura eu son heure de « gloire ». Et jamais sans être utilisée au passage pour faire passer un discours et des pratiques contre l'ennemi numéro un de ce gouvernement, les pauvres et notamment les femmes pauvres.

Au départ, l' "affaire" ressemble donc aux précédentes : une femme en voile intégral conduit une voiture, ce qui est censé "démontrer" son niveau d'oppression, comme le "démontraient" les précédentes affaires : celles qui vont à la fac, celles qui vont au marché, celles qui vont à la télé, bref celles dont on ne sait qu'une chose : ce sont des femmes de France, oppressées, ça oui, le patriarcat en France…

Donc, on prête une oreille distraite.

Second épisode : la polygamie

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Pareil, franchement, la saison ne commence pas fort. Hortefeux nous fait du réchauffé : la polygamie, marronnier des racistes, comme la vie privée de Carla est celui de Voici.

On sait bien sûr qu'on n'entendra pas la vérité : que toute épouse polygame qui décide d'y mettre fin et de dire la vérité à la Préfecture de Police, se voit immédiatement retirer son titre de séjour si elle en avait un, et avec un arrêté de reconduite à la frontière si elle n'en avait pas.

Alors le cinéma sur les droits des femmes, on écoute d'une oreille distraite. Le droit d'être punies deux fois, chez les allocataires, quelle que soit leur religion, leur culture..., merci on connaît.

Comme on connaît bien aussi la stratégie qui consiste à faire mine de défendre les femmes précaires et pauvres pour en mettre plein la gueule aux hommes de la même classe, surtout d'origine immigrée.

Mais là, troisième épisode, celui qui nous fait ne pas regretter d'avoir attendu sans changer de chaîne : cette fois l'attaque ne sera pas contre UNE femme voilée, mais également contre trois autres, précaires et allocataires de l'API. Les épouses présumées, qui ne sont pourtant pas légalement mariées au mari de la première, celle qui conduisait la voiture au premier épisode.

Vous ne comprenez rien ? C'est sûrement que vous n'avez pas encore subi de contrôle CAF, vous ne connaissez pas encore la notion de « vie maritale » qui permet de supprimer les ressources de milliers de femmes en se fondant sur l'avis subjectif d'un contrôleur assermenté, sur leur vie amoureuse et sexuelle.

Exactement ce que fait Brice Hortefeux, pour ces trois femmes, le contrôleur en chef ayant un avantage certain sur ses sous-fifres, celui de voir son rapport pour fraude repris par les médias, en boucle.

Bien sûr ces femmes là ne nous ressemblent pas forcément.

D'ailleurs on ne les verra pas, on ne les entendra pas ; fraudeuses c'est tout ce qu'on nous dira d'elles.

Ce sont les hommes, les "propriétaires" qui parlent, dans cette société.

- Hortefeux d'un côté qui envisage de les trainer au tribunal, en prison pourquoi pas : la « fraude » au RSA y conduit plus vite que la délinquance en col blanc. A partir de 12 000 euros d'allocations soi-disant indûment perçues, c'est la plainte assurée. La somme correspond grosso modo à deux ans de revenu pour une mère isolée : la CAF, lorsqu'elle décrète la vie maritale, remonte presque toujours deux ans en arrière.

- Le « polygame » présumé de l'autre, qui fait le coq à la télé, parle de « maitresses » : c'est la réaction classique de l'homme agressé par un autre homme de statut social supérieur au sien. "Je suis plus pauvre que toi mais je possède des femmes, même sans ton fric et sans ton pouvoir."

Des rôles bien rodés finalement.

Mais ce n'est pas un combat entre l'Islam et la République qui se joue. Mais un combat pour le maintien ou non de ce petit droit tellement essentiel qu'est l'Allocation Parent Isolé.

C'est un droit qui permet tout simplement de ne pas être dépendante financièrement du père des enfants, ou d'un autre homme présent dans notre vie.

C'est un droit qui permet, même aux femmes les plus pauvres, d'exercer concrètement leur droit à l'éducation de leurs enfants sans le chantage possible à l'argent, celui que le père a éventuellement et qui sans l'API serait nécessaire, même pour le strict minimum.

C'est un droit qui permet, malgré le montant minimum de l'allocation, d'espérer pouvoir survivre et recommencer à vivre, même après une séparation, même en devant assumer son rôle de mère.

C'est la certitude d'avoir un revenu minimum, que les enfants puissent au moins se nourrir, être logés les mois ou le père ne paye pas la pension alimentaire qu'il doit.

Mais depuis quelques années, ce droit s'est réduit comme une peau de chagrin.

D'abord par un décret de 2007 : celui-ci impose aux demandeuses de l'API, d'engager dans les quatre mois de la demande , une procédure contre le père de l'enfant, afin de faire valoir son « droit » à une pension alimentaire. Sans quoi l'API est amputée et la famille monoparentale n'a plus droit qu'au RSA majoré. Ce décret a immédiatement découragé de nombreuses femmes de faire valoir leur droit aux allocations : même si une possibilité de dérogation est clairement prévue par le décret, notamment en cas de violences conjugales, les CAF en informent rarement les allocataires. De plus, c'est à l'allocataire de prouver ces violences.

Ce décret est aussi extrêmement pervers, en ce sens qu'il ne tient absolument pas compte de la réalité des procédures : nombre de pères sont condamnés formellement au versement mensuel d'une pension alimentaire, mais l'acquittent quand bon leur semble. Les contraindre au paiement effectif relève de l'impossible dans le moyen terme. Or, le montant de la pension alimentaire est comptabilisé dans le calcul de l'API, même lorsqu'il n'est pas versé. Obtenir la prise en compte du non-versement, prend du temps et de l'obstination.

Et sa perversité réside aussi dans le fait qu'il contraint les femmes à faire de l'homme un ennemi : les séparations ne sont pas toujours houleuses, et exiger une pension alimentaire du père de ses enfants, n'est pas toujours simple, tout simplement parce que lui-même est aussi pauvre et au chômage, donc plongé dans la galère totale.

On en revient à cette notion de "foyer" qui ne permet pas à chaque individu de percevoir ne serait-ce qu'un minimum en fonction de sa seule situation, à cette régression supplémentaire vers la solidarité "familiale" instaurée par le RSA, qui impose désormais aussi aux enfants à faire appel à leurs parents jusqu'à 31 ans.

Les conséquences de ce décret ont été aggravées par la destruction globale du droit à un accueil physique correct pour les allocataires, et par le traitement de plus en plus long des dossiers.

Le RSA généralise ensuite le 1er juillet 2009, l'application du décret train de vie qui permet une intrusion sans précédent dans la vie privée des allocataires et la prise en compte de revenus laissés de côté jusque là.
Les contrôles ciblent les allocataires de l'API, et c'est bien la vie amoureuse et sexuelle des femmes qui conditionne désormais leur accès au minima.

La « vie maritale » : ce terme qui permet la suppression de l'allocation est appliqué à des femmes divorcées, mais dont la séparation est longue et compliquée, à celles notamment qui acceptent de domicilier le père de leurs enfants, qui traverse une période d'errance après avoir quitté le domicile familial.

Mais il s'applique aussi simplement, lorsqu'elles retrouvent un compagnon, dès qu'une relation commence, et que le domicile est parfois partagé.

Il s'applique à celles qui ont omis de fermer un compte commun, à celles qui se sont remises en couple quelques mois avant de se séparer à nouveau.

« Fraudeuses » de vivre tout simplement, la vie d'une mère qui est aussi une femme.

Pas de procès équitable, mais de plus en plus souvent la sanction préventive.

La « suspicion de fraude » le terme employé par Brice Hortefeux, contrôleur en chef, est le terme clef de la destruction des droits.

La « suspicion de fraude », c'est une petite case que le contrôleur CAF coche sur son rapport. Si c'est le cas, alors avant toute décision formelle de la direction de la CAF et du Conseil Général qui statue en dernier ressort pour le RSA et l'API, les allocations sont immédiatement suspendues.
Toutes les allocations soumises à critère de ressources :
- l'allocation logement,
- le complément de salaire RSA éventuel,
- et naturellement l'intégralité de l'API, si c'est le cas. C'est aussi la suspension du statut d'allocataire de l'API : tout ce qui en dépend, notamment le renouvellement automatique de la CMU. Et c'est dans la misère totale que l'allocataire devra se battre, face à des salariés de la CAF, qui voient les mots "suspicion de fraude" s'afficher à chaque visite.

Que reste-t-il alors à toutes ces femmes pour qu'elles et leurs enfants puissent simplement survivre ?

La dépendance.

Auprès d'un patron, n'importe quel patron, à n'importe quel salaire, dans n'importe quelles conditions de travail, puisque les patrons ont le choix parmi les femmes précaires.

Auprès d'un autre homme, ou de nombreux autres hommes.

Auprès de l'Etat et de Brice Hortefeux : reconnaître un délit qui n'existe pas, se soumettre, accepter d'endosser une dette fictive de dizaines de milliers d'euros , qu'on nous prendra petit à petit sur nos allocations si on veut bien nous les rétablir. Avec la loi sur le RSA, la CAF peut désormais appliquer elle même des « pénalités administratives » de plusieurs milliers d'euros, ajoutées à la prétendue dette. Le « marché » proposé aux femmes décrétées coupables est donc le plaider coupable et le paiement de ces amendes, ou la justice et la quasi certitude d'une condamnation plus lourde ajoutée à la stigmatisation sociale.

Que nous reste-t-il, à toutEs les allocataires, si nous voulons recommencer à vivre face à la horde des inquisiteurs et des chasseurs de sorcières avec à leur tête le Grand Juge et Partie du Ministère de l'Interieur ?

Rien sinon la solidarité inconditionnelle, l'intelligence du collectif face aux tentatives de division minables.

L'effort de voir d'autres femmes, là où l'on nous dresse à voir des ennemies , des inconnues, des étrangères.

Derrière le voile de ces trois silhouettes dont la vie vient d'être détruite par ce gouvernement et jetée en pâture aux médias avec celle de leurs enfants, c'est notre visage à toutes qu'on gifle.

Sachons leur rendre les coups ensemble


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